L'Amour est un crime parfait
Un film d'Arnaud Larrieu et Jean-Marie Larrieu
avec
Mathieu Amalric,
Karin Viard,
Maiwenn,
Sara Forestier,
Denis Podalydès
(France) Genre : Drame
Duree : 1H50 mn
Distributeur : Gaumont Distribution
Sortie en salles le 15 Janvier 2014
Année de production : 2013
Sur une route enneigée, une voiture roule dans la nuit.
Plaque minéralogique suisse. Mathieu Amalric est au volant.
A ses côtés, une jeune fille lui parle.
Pas de doute, nous sommes bien chez les frères Larrieu. Après La Brèche de Roland (2000),
Un homme, un vrai (2002),
Peindre ou faire l'amour (2004) et
Le Voyage aux Pyrénées (2007),
voilà nos deux lascars de retour à la montagne.
Très vite arrive le générique, avec la mention,
« D'après le roman de Philippe Djian Incidences aux éditions Gallimard ».
SYNOPSIS
Marc est un professeur charismatique qui donne des cours à l'université de Lausanne.
Grand séducteur, il a beaucoup de succès auprès de ses étudiantes.
Il couche avec elles mais a bien du mal à se rappeler leur prénom. D'ailleurs, Marc est sujet à de fréquents trous de mémoire. Barbara, l'une de ses jeunes maitresses d'un soir meurt, assassinée.
La police ne manque pas de l'interroger et de le suspecter.
Sa soeur, qui aime un peu trop son frère, le soutient à sa façon. Marc finit par rencontrer Anna, la mère de la victime.
Il succombe rapidemment au charme de cette femme mystérieuse et commence à se poser des questions sur son éventuelle culpabilité.
LA CRITIQUE DANS TELERAMA LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 15/01/2014
On aime beaucoup ce titre cinglant, c'est Marc lui-même qui le trouve, après plusieurs biffures et repentirs.
Fin lettré, il a le sens de la formule, même s'il se vit comme un écrivain raté.
Aimant les mots et les femmes, il a la chance de goûter pleinement aux deux. Il enseigne la littérature
— en dirigeant un atelier d'écriture sur le thème du paysage —, multiplie les aventures et habite dans un grand chalet isolé, dominant la montagne.
Un soir, très tard, il regagne ses pénates, en voiture, accompagné d'une étudiante aussi brillante qu'affriolante. Passablement éméchés, tous deux parviennent tant bien que mal jusque dans la chambre.
La nuit promet d'être torride.
Au réveil pourtant, tout est effacé.
Comme une page blanche et froide, la neige scintille au soleil. La jeune amante n'est plus là.
Quand et où a-t-elle filé ? Marc l'ignore et cela le tracasse un temps : après tout, d'autres conquêtes attendent ce coureur invétéré.
Seulement voilà, quelques jours plus tard, un policier lui annonce la disparition de l'étudiante.
Le désir, le paysage et la mort.
Les frères Larrieu se sont déjà fait les chantres de cette trinité païenne, en peintres sensualistes (Peindre ou faire l'amour) ou en troubadours loufoques (Le Voyage aux Pyrénées).
Cette fois, ils ont choisi le thriller, en adaptant un roman de Philippe Djian. Un thriller particulier où l'angoisse ne se départ jamais tout à fait du rire.
La réalité est marquée au sceau du grotesque, de la fantasmagorie. On se retrouve bel et bien dans la tête de ce « pauvre » Marc (Mathieu Amalric), don Juan peut-être, mais sous pression, harcelé par tout le monde, sauf par la police. Les ennuis viennent surtout de ses proches.
A commencer par sa soeur (Karin Viard), une femme de tempérament, tendre mais un peu étouffante, avec laquelle il cohabite et entretient une relation incestueuse.
Il y a aussi le recteur de l'université (Denis Podalydès), modèle de tartufferie mielleuse, toujours dans son dos, à le surveiller. Et puis cette étudiante très aguicheuse (Sara Forestier) qui le colle en permanence...
Les Larrieu prennent un malin plaisir à nous entraîner au coeur d'une intrigue tortueuse où il est bien difficile de distinguer ce qui relève de la vérité et ce qui relève de la mystification.
Marc est un type séduisant, certes dérangé, mais aussi très lucide sur le monde qui l'entoure, sa part de comédie sociale, ses trafics d'influence, ses loisirs débilitants : séquence bidonnante que celle où Karin Viard et Denis Podalydès, chaussés de lunettes orange, sont surpris ensemble, dans le salon transformé en home cinéma 3D !
On est d'autant plus enclin à être proche de cet antihéros que l'amour vient le frapper en plein coeur quand il rencontre Anna (Maïwenn), la belle-mère de la disparue.
Sur le désir, le film offre une séquence magnifique, lorsque Anna vient rendre une visite surprise à Marc, à l'intérieur de ce bâtiment universitaire, merveille d'architecture lumineuse, avec ses énormes trouées au plafond, ses sols pentus.
Les tourtereaux cherchent au plus vite une cachette pour faire l'amour. Vertige, griserie, rappel d'enfance.
Le film ne cesse ainsi de serpenter entre pulsion et raison, animalité (surgissent corbeaux et loups) et culture.
Les frères citent André Breton (« Le fumeur cherche l'unité de lui-même dans le paysage ») et randonnent au bord de crevasses, avec une tension qui va crescendo, jusqu'aux cimes.
Car l'amour entre Anna et Marc accroît le danger, les sueurs froides.
C'est l'option forte de ce thriller sentimental, teinté, contre toute attente, d'un romantisme absolu, tout aussi noir que solaire.
— Jacques Morice
LA CRITIQUE dans " LE MONDE" LORS DE LA SORTIE EN SALLE
Pendant longtemps, on se dit que les frères Larrieu ont encore fait fort ; que cette variation sur le genre du film noir, empreinte d'humour, fût-il au deuxième, voire au troisième degré, est une réussite ; et puis voilà, in fine, que le scénario reprend le dessus, comme s'il fallait à tout prix que ce film loufoque aux accents surréalistes tombe du côté du rationnel, dans le piège de la « stratégie narrative ».
On n'en dira guère plus, évidemment…
Excellent numéro d'Amalric en universitaire fissuré de partout ; composition jubilatoire de Podalydès en universitaire raté ; performance convaincante de Maïwenn, de plus en plus mystérieuse à mesure que le film avance.
La neige commence à fondre, laissant entrevoir la réalité…
On passe un bon moment. Juste un bon moment.
http://www.lemonde.fr/culture/article/2014/01/14/l-amour-est-un-crime-parfait-le-film-pas-si-parfait-des-freres-larrieu_4347499_3246.html
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